Kawah Ijen

Pour rejoindre Java depuis Pemuteran, tout semblait très simple : 45 minutes de route jusqu’à l’embarcadère balinais de Gilimanuk puis 30 minutes de ferry jusqu’à Ketapang côté javanais. Comme nous avions bien sympathisé avec la famille qui tenait notre warung (petit restaurant familial) préféré lors de notre séjour à Pemuteran, le papi s’est proposé de nous accompagner en voiture jusqu’au ferry pour deux fois moins cher qu’un taxi. On a donc accepté son offre, et on a très très bien fait !

Car tous les trajets ne se passent pas comme c’est écrit dans les guides de voyage… Surtout que nous avions omis un petit détail non sans importance : nous étions à quelques jours de la grande fête de l’Aïd el Fitr (qui célèbre la fin du ramadan). Et tous les résidents de Bali originaires de Java avaient décidé, comme nous, de quitter l’île ce jour-là pour aller festoyer en famille. Mais ça, on ne le savait pas. Et notre papi balinais, hindouiste, ne s’en était pas douté non plus :-( A 4km de l’embarcadère, les véhicules étaient à l’arrêt. Plus moyen d’avancer d’un pouce. Un policier nous a informé qu’il faudrait certainement songer à dormir sur place (et il était seulement 10h du matin !) car toutes les voiture devant nous attendaient une place dans le ferry. Gloups. On avait déjà réservé un guide pour les 2 jours qui suivaient et nous n’avions pas très envie de louper ce rendez-vous. On a donc envisagé d’aller à l’embarcadère à pied, avec nos gros sacs. Ca ne nous enchantait pas vraiment, mais on ne voyait pas trop d’autres solutions. C’était sans compter sur notre papi balinais qui n’avait pas encore joué Kawah Ijen - vignette 1sa dernière carte ! D’un coup de fil, il est devenu « Super Papi, roi de la débrouille ». Il a débloqué la situation en appelant à la rescousse un de ses amis qui habitait dans le coin. Quelques minutes plus tard, celui-ci arrivait avec ses 2 fils… sur 3 scooters ! Nous avons chargé une partie de nos sacs sur l’une des motos et nous nous sommes répartis sur les 2 autres, les parents à l’arrière, les enfants debout à l’avant. Nos conducteurs hors pairs ont été ultra-efficaces : ils ont zigzagué entre les véhicules, ils ont roulé sur les trottoirs, ils ont même emprunté à contre-sens la voie d’en face. En Kawah Ijen - vignette 2moins de 10 minutes nous étions devant le guichet, prêts à acheter nos tickets de bateau. Notre aventure javanaise pouvait commencer ;-)

Pour débuter la découverte de Java, nous souhaitions nous rendre sur les volcans Kawah Ijen, connu pour ses porteurs de soufre, et Bromo, célèbre pour son large cratère qui fume et qui gronde fort. La plupart des voyageurs ont recours à des tours organisés qui proposent une visite de ces 2 sites, au pas de course, en 2 jours à peine. Nous, on avait envie de prendre un peu notre temps et de profiter des lieux un peu différemment. On a donc planifié tout ça par nous-mêmes. En cherchant des infos sur le web, on est tombé sur un blog qui parlait de 2 mineurs du Kawah Ijen qui proposaient d’accueillir des touristes dans leur village et de les guider ensuite jusqu’au volcan. Ca avait l’air chouette, alors on les a contactés. Et c’est ainsi que nous avons passé 2 jours mémorables avec Chunk et Paing.

Chunk est venu nous cherKawah Ijen - vignette 3cher à la sortie du ferry. Après 1h de route, nous sommes arrivés dans le tout petit village de mineurs. Des maisonnettes très simples le long d’un chemin de terre, au milieu des champs de riz, les grands volcans de l’est de Java en toile de fond. Là-bas, on vit surtout dehors. On se retrouve pour passer du temps ensemble sur de petites estrades montées sur pilotis, à l’ombre d’un toit de tuiles rouges. On attend le vendeur de glace ambulant, quKawah Ijen - vignette 4i s’annonce grâce à une petite musique à la mélodie enfantine. Il arrive à moto, ouvre sa glacière et prépare des cornets vanille-fraise-chocolat. On a bien aimé l’ambiance et la simplicité de ce lieu hors du temps.

Dans le village, pas d’hKawah Ijen - vignette 5ôtel de grand standing. Mr Paing, un mineur en pleine reconversion dans l’accueil de touristes, a agrandi sa petite maison pour loger les curieux venus à la rencontre du Kawah Ijen. Deux chambres minuscules où le lit double avait du mal à tenir, une pièce Kawah Ijen - vignette 6d’eau commune avec bassine d’eau froide et toilettes à la turc, et pour la pension complète, riz frit et nouilles sautées à tous les repas (petit-déjeuner y compris!). Mais nous avons franchement passé un excellent séjour. Car Paing, sa femme et Chunk, ne roulent certes pas sur l’or mais ont un sourire incroyable et une joie de vivre communicative.

On a passé notre premKawah Ijen - vignette 7ière après-midi à se balader dans le village et dans les rizières alentour. A 18h à peine, nous étions à table, et à 19h au lit. Car nous avions choisi de découvrir le Kawah Ijen de nuit pour tenter d’apercevoir les « flammes bleues » qui brûlent au fond du cratère. Notre réveil nous a arrachés du lit à 0h30. Bien emmitouflés dans nos polaires et nos coupe-vent (il fait frais la nuit à plus de 2000 d’altitude!), nous sommes partis avec Chunk pour rejoindre, après 1h de route, le bas du volcan.

On a laissé ensuite notre voiture pour partir à l’assaut du volcan… de nuit ! Nous avons marché environ 1h30, équipés de nos lampes frontales, en suivant le flot des courageux, qui comme nous, s’étaient levés de tKawah Ijen - vignette 8rès bonne heure pour arriver bien avant le lever du soleil en haut du cratère. Après 1 heure d’ascension, l’odeur de soufre est devenue trop forte. Des nuages toxiques, rabattus par le vent, commençaient à nous picoter la gorge. On a donc enfilé nos masques à gaz pour terminer sans trop souffrir. Avec cet accoutrement, c’était la grande classe ! Ca a en tout cas beaucoup amusé les garçons ;-)

Comme convenu avec Chunk, arrivés en haut du cratère, nous nous sommes séparés. Les garçons étaient trop jeunes pour descendre au fond. Les guides refusent d’y conduire les enfants. D’abord parce que la descente en pleine nuit peut s’avérer délicate, mais surtout parce qu’ils auraient pu être exposés à des nuages très toxiques, impossibles à anticiper car formés au gré du vent. Seul Charles est donc descendu au fond du gouffre avec Chunk, qui connaît le lieu comme sa poche, puisqu’il y travaille toujours, lorKawah Ijen - vignette 9squ’il ne guide pas de touristes. Une longue attente dans la nuit glacée a alors débuté pour le reste de l’équipe, bien caché dans une grosse couverture, masque à gaz sur le visage.

La particularité du Kawah Ijen, ce volcan éruptif encore actif, est qu’il possède, sur les bords d’un lac acide (le plus acide du monde parait-il!) une « solfatare », produisant de grandes quantités de soufre. Lorsqu’il soKawah Ijen - vignette 10rt de terre, à l’état gazeux, le soufre peut produire des flammes bleues. En se refroidissant, il passe à l’état liquide et prend une couleur brune, et c’est en se solidifiant qu’il passe au jaune canari. Au fond du cratère, les mineurs du Kawah Ijen canalisent les vapeurs à l’aide d’installations de fortune (à l’aide de gros bidons métalliques) pour permettre au soufre de se cristalliser plus rapidement.

Après 20 minutes d’une descente assez escarpée, Charles et Chunk ont rejoint un premier site d’extraction de soufreKawah Ijen - vignette 11 où les mineurs travaillaient déjà d’arrache-pied, mais pour ne pas manquer le spectacle des « flammes bleues » visibles uniquement de nuit, ils ont décidé de ne pas s’y attarder. Chunk a proposé de s’approcher seul des flammes pour prendre quelques clichés. Heureusement, le vent soufflait dans le bon sens cette nuit-là et la plupart des nuages toxiques s’échappaient du cratère sans atteindre les hommes descendus au fond. Il n’est pas pour autant conseillé de s’attarder dans ces lieux hostiles ou une rafale peut rabattre un nuage toxique à tout moment. Il était donc temps de laisser lKawah Ijen - vignette 12es flammes bleues pour descendre un peu plus bas, au bord du lac. Plus aucun touriste à cet endroit. Comme Chunk connaît le lieu dans ses moindres recoins, Charles a pu profiter de 2 autres sites d’extraction, en immersion totale avec les mineurs de l’Ijen. Mais le vent a tourné et la fumée toxique est devenue trop forte en bas pour y rester plus que de raison.

Le soleil pointait le bouKawah Ijen - vignette 13t de son nez quand Charles et Chunk sont enfin réapparus, après 1h30 dans le cratère. Nous avons observé aux premières lueurs du jour, les porteurs de soufre, ces sur-hommes, remonter du fond du cratère, leur lourd chargement sur le dos. Les plus costauds portent jusqu’à 85 kilos, répartis dans les 2 paniers montés en balanciers. Certains ne portaient pas de masques. Et ils travaillent tous les jours. Tous les jours de leur courte vie. Car ce travail de titans n’est pas seulement une prouesse Kawah Ijen - vignette 14physique, il est extrêmement dangereux pour la santé. Presque tous descendent 2 fois par jour jusqu’au fond du cratère. Très peu dépassent les 40-50 ans. Tous ceux que nous avons croisés toussaient comme des perdus… Quand on sait que le kilo de soufre leur rapporte 800 roupies, soit 5 centimes d’euro environ…

On est resté 2 heures daKawah Ijen - vignette 15ns ce décor lunaire, totalement ahuris par le paysage qui se dévoilait à la lumière du jour, complètement absorbés par ces hommes qui gardent le sourire malgré les charges qu’ils portent, malgré ces conditions de travail inconcevables pour nous.

En haut du cratère, les mineurs cassent les plus gros morceaux de souffre pour remplir plus facilement les sacs qu’ils descendront ensuite à l’aide de leur chariot jusqu’au parking où ils pourront l’échanger contrKawah Ijen - vignette 16e une menue monnaie. Heureusement, aujourd’hui il y a les touristes qui permettent d’arrondir les fins de mois. Les porteurs vendent quelques petits moulages en soufre, louent des masques à gaz, proposent à ceux qui seraient arrivés seuls de les accompagner au fond du cratère…

De retour au village, après un petit déjeuner de riz frit au poulet, nous avons fait un somme, puis nous avons retrouvé Chunk en début d’après-midi pour une chouette balade dans la campagne. Un petit tour aux cascades de la région, une balade dans les plantations de café et de caoutchouc, puis pour terminer, une promenade au milieu des rizières, dans un décor magique. Les grands volcans de l’est de Java se dressaient juste derrière nous, dans une lumière magnifique. Kawah Ijen - vignette 17Chunk a cueilli des noix de coco, nous a montré des araignées grosses comme nos mains et nous a expliqué encore plein de trucs sur son pays et son métier de mineur. Toujours avec son grand sourire et sa bonne humeur.

Bien fatigués de notre journée, des images incroyables plein la tête, nous ne nous sommes pas fait prier pour aller nous coucher. Une nuit assez spéciale, car en cette période de fête, le haut parleur de la mosquée, tout près de chez Mr Paing, a hurlé sans aucune pause de 3h à 4h30 ! Le son était d’une puissance hallucinante ! Bienvenue à Java, terre d’aventures, et Selamat Idul Fitri, comme on dit en Indonésie ;-)

Kawah Ijen (cliquez sur une photo pour agrandir)

 

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