Depuis Chiang Rai en Thaïlande, 3 jours de voyage nous ont permis de rejoindre Muang Khua au Laos où nous avions rendez-vous avec Khamman, un guide indépendant qui allait nous accompagner pour un trek de 28 km sur 2 jours dans les montagnes du nord. On vous prévient, cet article est super long tant l’aventure fut riche pour nous !
Nous sommes partis d
e Chiang Rai de bon matin et avons pris un bus local jusqu’au poste frontière avec le Laos. Tampons de sortie de Thaïlande en un clin d’œil, puis visas d’entrée au Laos délivrés assez rapidement. Nous avons fait étape pour la nuit dans la ville frontière de Huay Xai.
Nous fiant aux horaires de bus pour Luang Namtha annoncés par la gérante de la guesthouse, nous sommes partis de bonne heure le lendemain matin pour la gare routière. Mais celle-ci s’était un peu planté et nous avons dû patienter 2 bonnes heures, l’occasion de faire une leçon
d’école aux garçons, sous le regard curieux des Laotiens (les touristes occidentaux ne sont pas très nombreux dans cette région reculée). Nous avons finalement embarqué dans un bus (que nous pensions hors d’usage!), pour 7h de voyage sur les routes sinueuses du nord.
Après une courte pause d’une nuit à Luang Namtha, nous avons pris place dans un mini-van de 15 places, direction Muang Khua. Ce fut clairement le pire trajet depuis que nous sommes partis de Paris ! Il faisait très très chaud dans le van et nous avons été incessamment ballottés dans les trop nombreux virages d’une route trop tortueuse en trop mauvaise état, ressemblant parfois plus à une piste qu’autre chose. Dur, dur pour les petits estomacs sensibles
Heureusement, les paysages étaient superbes. La route serpentait dans les montagnes vertes, traversant parfois un village
de quelques maisons de bambous. Un décor beaucoup moins sec qu’au nord de la Thaïlande, avec une végétation tropicale assez riche, composée de nombreux palmiers, cocotiers et bananiers.
Et puis l’ambiance à bord était à la fête ! La sono à fond, le chauffeur, qui carburait au Red bull, plaisantait avec les passagers. Notons que c’était un être à part : il était doté d’yeux bioniques qui lui permettaient, tel Super Jamie, de voir à travers les montagnes. Du coup, trop facile pour lui de doubler dans les virages, même les plus serrés, quand il n’y avait aucune visibilité 
Lors d’un a
rrêt dans la ville d’Udomxai, pour rendre ce trajet vraiment inoubliable, 18 autres Laotiens sont venus se joindre aux 15 personnes déjà à bord (rappelons que c’était un mini-van de 15 places). C’est donc entassés les uns sur les autres que nous avons
terminé notre voyage. Par bonheur, le chauffeur, qui s’était arrêté sur le bord de la route pour faire monter une mamie et ses 20 sacs d’ail d’une cinquantaine de kilos chacun (soit 1 tonne d’ail !), s’est finalement ravisé dans un moment de lucidité.
Après ce trajet quelque peu épique, nous sommes arrivés à Muang Khua, petit village rural du nord du Laos. Nous avons passé la nuit dans une guesthouse tout en bois au confort plus que sommaire (mais à 5 euros la cham
bre pour 4, on ne s’attendait pas au grand luxe), située sur les hauteurs, offrant une vue magnifique sur la rivière Nam Ou. Pour y accéder, on devait traverser un grand pont suspendu en bambou. Un décor tellement dépaysant. L’aventure pouvait commencer !
Nous avons fait connaissance avec notre guide, Khamman, un Laotien au grand cœur. Après avoir été moine pendant 14 ans, il a enseigné la physique-chimie au lycée puis s’est reconverti sur le tard pour devenir guide. Un super guide. Issu de l’ethnie minoritaire Khamu, il propose des treks de plusieurs jours, avec nuit chez l’habitant, dans les montagnes du nord du Laos p
our partager, avec quelques touristes chanceux, ses connaissances sur la région et les coutumes des ethnies minoritaires. Il propose plusieurs itinéraires et ne traverse pas toujours les mêmes villages afin de faire profiter un maximum de personnes de la venue des touristes. Car Khamman offre à chaque visite médicaments et nourriture, et donne un peu d’argent au village pour aider à financer quelques aménagements. Loin des sentiers battus, le village dans lequel nous avons dormi n’avait vu passer que 20 touristes avant nous…
Avant de débuter notre trek, nous avons pris un tuk-tuk pour une heure de route, puis nous avons traversé la rivière dans une tout petite embarcation pour rejoindre le début du sentier. Après une heure de marche, nous sommes arrivés dans un village Akha, une ethnie minoritaire originaire du sud de la Chine.
Les enfants du village, t
rès curieux, nous suivaient partout ! Et une vieille dame nous a dit que c’était la première fois qu’elle voyait des enfants occidentaux
Nous avons rendu visite au chef du village marié à 2 femmes. Chez les Akha, un homme peut multiplier les femmes tant qu’il n’a pas réussi à avoir un fils ! Autre coutume, des plus cruelles, les Akha tuent les jumeaux à la naissance car dans leur croyance, seul les bêtes peuvent mettre au monde plusieurs petits issus d’une même gestation. Mais « moindre mal », dans ce village, les jumeaux sont depuis peu épargnés et proposés à l’adoption à des famille de la ville.
La vie dans les montagnes est difficile pour les minorités du Laos. Les villageois vivent dans des maisons de tôle, de bois et de bambou, dénuées de confort, qu’
un gros coup de vent pourrait souffler. Pas d’eau courante. Seules quelques habitations disposent de l’électricité. Les ressources sont faibles. Les habitants cultivent quelques terres, élèvent poules et cochons (qui se baladent partout dans le village!) et complètent les repas avec les prises de la chasse et les fruits de la cueillette.
Les femmes mariées
portent une coiffe traditionnelle, ressemblant à un bandeau orné de pompons et de pièces de monnaie datant de la colonisation française. Lors de notre visite, certaines tissaient, d’autres revenaient de la forêt avec de lourds fardeaux qu’elles portaient en partie à la force de leur tête. Nous avons passé un beau moment dans le village et nous repartons avec notre lot de questions, de réflexions. On était tellement loin de notre vie « facile » de Parisiens…
Nous avons marché encore deux heures dans la montagne pour grimper jusqu’à 1500m dans une chaleur moite étouffante. On n’avait jamais eu
aussi chaud en rando. Nous avons fait une pause pique-nique bien méritée à l’ombre d’un arbre sur le sentier. Au menu : nouilles sautées, conditionnées dans une feuille de bananier ! Délicieux !
On a traversé différe
nts paysages. Des passages en forêt, alternant avec des prairies aux petits arbustes épineux. Des champs dévastés par les feux liés aux brûlis intempestifs. Et tout autour, les montagnes, à perte de vue, perdues dans les brumes du mois de mai.
En chemin, nous avons fait beaucoup de rencontres. Des villageois partis travailler au champ. D’autres, en mission « cueillette ». Un chasseur aussi, équipé d’un fusil d’un autre temps, à l’affût des petits oiseaux. Puis nous avons discuté avec un fumeur d’opium (en pleine action) et sa famille, qui profitaient
d’une pause à l’ombre, le temps que les mauvaises herbes de leur champ se consument. Le champ brûlait d’ailleurs si bien, qu’on a failli ne pas pouvoir continuer notre route car les flammes léchaient le sentier.
On a fait plusieurs pauses car on avait chaud, horriblement chaud. Et chaque fois, Khamman nous en apprena
it encore un peu plus sur la région et sur les ethnies minoritaires du nord du Laos. Il nous a aussi fait goûter des petites mûres qui colorent la langue à tous les coups (ceux qui ne mâchent que d’un côté obtiennent un effet des plus contrastés
).
En fin de journée,
nous sommes arrivés dans un village Kahmu, une ethnie minoritaire originaire du Cambodge, où nous avons passé la nuit. Des maisons toutes simples sur pilotis en bois et bambou, un sol en terre couleur ocre. Un village beaucoup plus organisé que le premier village Akha. Les cochons étaient tenus à l’écart des habitations dans des enclos, il y avait des poubelles et quasiment aucun déchet sur le sol, et surtout, au centre du village se trouvait un espace commun où coulait un filet d’eau provenant d’une source. Le li
eu de toutes les rencontres. On y vient pour faire sa toilette, pour laver son linge, pour briquer son scooter… Comme on avait eu bien chaud durant notre randonnée, on s’est laissé tenté par une douche à l’eau froide au milieu des villageois, des poules et des canards.
Khamman nous a ensuite conduits chez le chaman. Ambiance très particulière ! Dans le noir, sa femme était prostrée, elle ne parlait pas. Sa fille âgée d’une cinquantaine d’année, toute souriante, posait plein de question, en n
ous touchant sans cesse les mains, les pieds, les cheveux. Le chaman pendant ce temps, soufflait dans une flûte télescopique en roseau. Un brin surnaturel 
Puis ce fut l’heure du dîner avec notre famille d’accueil. Dans la maison, une seule pièce à vivre. On y cuisine la jo
urnée, on y dort la nuit. Un feu était allumé sur une sorte de grand plateau en bois à même le plancher. Comme il n’y avait que peu d’ouvertures, l’atmosphère était très enfumée. La famille avait concocté un véritable festin en l’honneur de ses invités : soupe de poulet épicée, riz gluant, pommes de terre frites, ragoût d’écureuil (seul Charles a osé y goûter) et petits oiseaux grillés, qui se mangent tout entier. Le tout copieusement accompagné de bière (de la bière tiède car il n’y avait pas de frigo
). Et quan
d il a fait trop sombre, ils ont allumé une ampoule à l’aide d’une batterie de voiture. Voilà, là, on était vraiment en terre inconnue. Chez Papi Hmong au Vietnam, c’était juste un avant-goût !
Après le repas, une quinzaine d’habitants sont venus passer la soirée avec nous, pour partager une bière, chiquer du bétel et surtout nous observer. Les plus téméraires posaient quelques questions. Les autres nous regardaient, crachant à grand bruit leurs boulettes de bétel mastiquées. Et puis, ils nous ont demandé de leur chanter des chansons. Alors, les garçons se sont fait un plaisir de leur interpréter tout le répertoire de Philippe Katerine. Un brin décalée comme situation 
Notre hôte a dispo
sé des couvertures sur le sol et nous a donné des coussins en paille, et nous avons débuté une nuit mémorable. Les enfants ont très bien dormi, mais les parents… D’abord, il y avait le bruit incessant des grosses blattes qui cavalaient sur le plancher. Et puis, on avait le colocataire à qui nous souhaiterions remettre un prix : celui du colocataire le plus relou de la planète (il peut remettre son titre en jeu l’année prochaine, il est indétrônable). Il a passé une partie de la nuit à fumer. Et il n’y avait pas d’aération. Il a passé une autre partie de la nuit à éructer à grand bruit et à lâcher des gaz sonores à l’odeur pestilentielle. Et il n’y avait toujours pas d’aération. Il est maintes fois sorti pour uriner. Sans grande discrétion. En revanche, il a préféré ne pas sortir pour cracher à grand bruit. Oui, il avait fait un petit trou dans le plancher qui lui servait de crachoir. Mais surtout, il a tué un nombre incalculable de blattes, à même le sol, toute la nuit avec sa machette ! On avoue qu’on a quand même bien rigolé même si on a pas trop dormi.
Le matin, tout le monde s’affairait dans la maison, si bien que nous étions très gênés d’avoir fait la grasse matinée. Mais en regardant l’heure, on s’est rendu compte qu’il n’était que 5h30! Après un petit déjeuner très cop
ieux, à base de pommes de terre frites (spécialement préparées pour nous) et soupes de nouilles, nous avons dit au revoir à nos hôtes. Nous sommes passés par l’école du village où nous avons un peu distrait les élevés très appliqués. Une classe unique, avec un maître en uniforme enseignant 3 niveaux différents.
On a repris le sentier du
rant 4h, toujours dans une chaleur étouffante, malgré l’heure matinale. Les paysages étaient encore superbes sur ce versant. Les montagnes vertes, nappées de brume, étaient joliment éclairées d’une lumière orangée. Puis nous sommes arrivés dans un village en bord de rivière, beaucoup plus riche cette fois, les villageois tirant profit de la pêche et de leur plus grande proximité de la ville pour vendre quelques objets d’artisanat. Une petite pause le temps de se désaltérer, d’attirer l’attention des habitants (les boucl
es blondes des garçons, encore et toujours) et de se renseigner sur le menu du mariage qui se préparait là (des brochettes de cigales grillées), puis nous sommes repartis pour nous baigner dans la rivière tout près d’un grand pont en bambou. Les garçons se sont bien amusés dans l’eau au milieu des enfants du coin. Puis nous sommes remontés dans le tuk-tuk qui nous attendait pour rentrer à Muang Khua.
Nous avons passé 2 jours de trek incroyables, à parcourir près de 30km dans la montagne. On avait déjà marché bien plus (42km de haute montagne en 2 jours en Patagonie), mais cette grande randonnée a été physiquement éprouvante compte-tenu de la chaleur, de l’humidité, de l’absence d’air et du peu de confort. Mais si riche en rencontres et en découvertes, tellement loin de tout ce que l’on pouvait connaître. Notre plus grande immersion en terre inconnue à ce jour ! On a encore du mal à réaliser tout ce que nous avons vécu. Cela restera un souvenir impérissable pour toute la famille. Nous devons beaucoup à Khamman, tellement généreux dans son partage et si attentionné avec nous tous.
De retour à Muang Khua, nous avons dormi encore une nuit dans la guesthouse en bois. Et la chambre nous a semblé si luxueuse tout à coup ! Comme quoi, tout est relatif…
Cette première étape laotienne nous a enchantés. Allez, poursuivons notre découverte de ce beau pays, direction Muang Ngoi Neua maintenant ! [Vous avez du mal avec les noms des villes laotiennes ? Nous aussi
]
Muang Khua (cliquez sur une photo pour agrandir)